« C’est facile maintenant… Il n’y a plus qu’à rédiger ! »
Il est des paroles d’enseignants, à commencer par les miennes, qui pensaient faire mouche. Et pourtant, le passage du brouillon à la copie, de la liste informelle d’idées à leur formulation écrite rigoureuse, c’est-à-dire conforme à la norme scolaire des épreuves type bac, s’avère être un moment délicat dont nous avons tendance à sous-estimer la difficulté. Au lycée, nous avons abandonné le costume de l’enseignant de français pour revêtir celui de Lettres. Les élèves savent maintenant rédiger ! Cette « vérité » ne faisait aucun doute jusqu’à ce que les trains de copies s’enchaînent avec toujours les mêmes erreurs et qu’une élève rende feuille blanche ou presque car, selon ses propres termes, elle ne savait pas comment mettre « les mots bout à bout ».
« Relisez-vous ! … D’accord, mais vous retirez combien de points pour la langue ? »
Alors que dire de cette injonction de relecture quand rien n’est écrit ou que tout l’est déjà et bien difficile à modifier ? Les corrections peuvent toucher tout ou partie d’une phrase, et éventuellement, par ricochet, un paragraphe entier. N’est-il pas déjà trop tard ? Les ratures et les renvois donneront à la copie finale l’aspect d’un « nouveau brouillon », avec la désagréable impression de ne pas progresser. Au mieux, les élèves pourront donc corriger leur orthographe sans incidence majeure sur le visuel qui doit d’entrée de jeu faire bonne impression. Mais l’orthographe n’est pas la principale responsable de cette gêne qui ralentit la compréhension du propos. La syntaxe est le point de résistance le plus lourd de conséquence, le talon d’Achille de trop nombreux élèves. Loin d’être familiarisés avec les types d’écrits très standardisés, pour ne pas dire stéréotypés, de l’EAF, ils ne savent pas mettre les mots « en ordre de bataille ». Ils n’ont pas encore tous cette prise de distance nécessaire et suffisante pour devenir leur propre lecteur ; un lecteur éclairé, capable de différencier ce qui se dit de ce qui s’écrit, d’ajuster le phrasé pour qu’il se fonde dans la norme tout en évitant les lourdeurs et autres maladresses. Ce cap passé, rien n’interdira, en effet, d’exercer le style pour trouver son propre style.
Mais ne brûlons pas les étapes ! Commençons humblement par nous mettre à la place des élèves. Cherchons à comprendre ce qui se joue sur ce fil invisible reliant le cerveau à la plume afin de mieux remédier à ce qui nous crispe, nous irrite et fait de la correction des copies un véritable sacerdoce.