Depuis plusieurs années, je m'interroge sur l'apprentissage de la grammaire, notamment au cycle 2. Faire de la grammaire suppose un certain passage vers l'abstraction qui est souvent difficile pour de jeunes élèves. En situations langagières variées, ils arrivent à mobiliser continuellement une grammaire implicite, et cela dès la maternelle, mais le passage à une étude plus systématique s’avère problématique. Les passerelles entre ce qu'ils savent et utilisent tous les jours et la grammaire scolaire se construisent difficilement. Comme l’affirment Ghislaine Haas et Danielle Lorrot, « C’est entrer dans un monde inconnu où l’on ne reconnaît pas ce qui devrait être si familier.» Désincarnée, la grammaire s’articule difficilement avec les différents domaines langagiers, notamment pour les élèves en difficulté.
Du côté des enseignants, l’enseignement de la grammaire engendre aussi des questionnements. Les débats et les recherches récentes autour de la grammaire ne sont pas toujours portés à leur connaissance. Depuis quelques années, confrontés régulièrement à des modifications de programme, ils se sentent désorientés et démunis. « Grammaire », « Observation réfléchie de la langue » puis « Etude de la langue » sont des expressions qui révèlent des choix différents. Les rapports et les textes ministériels semblent évoquer des démarches auxquelles les professeurs d’école, polyvalents et non spécialistes, n’ont pas été forcément formés et précisent peu les mises en œuvre possibles. Les changements de pratique sont alors difficiles à opérer par crainte ou par manque de temps suffisamment long de formation.. Des documents d’accompagnement ont été édités pour « Le langage en maternelle », « Lire au CP », « Lire et écrire au cycle 3 » « Littérature, cycle 3 », mais encore aucun document sur l’enseignement de la grammaire n’a été publié.
A l’heure où de nouvelles directives s’annoncent, ce mémoire représente donc pour moi une opportunité pour prendre le temps de réfléchir à l’enseignement de la grammaire.
Le questionnement porte sur les manières de faire de la grammaire au cycle 2 où les apprentissages fondamentaux (lecture et écriture) sont en cours d’élaboration. En effet, la spécificité du cycle 2 est de confronter les élèves pour la première fois à un apprentissage plus approfondi de l’écrit. Avec la grammaire, les élèves inaugurent un apprentissage spécifique. Des possibles s’ouvrent mais des obstacles apparaissent aussi : difficultés conceptuelles (difficultés cognitives, manque de connaissances, savoirs en lecture-écriture en développement), hétérogénéité des élèves face à la maîtrise du langage et de la langue française.
Pour répondre à ces questions, les dernières Instructions Officielles d’avril 2007 préconisent de
développer une attitude réflexive sur la langue2 mais elles précisent peu le dispositif didactique à mettre en place : Quelles activités, quelles modalités d’apprentissage, quels supports choisir ?
Notre problématique se précise donc sous la forme suivante :
Comment développer une attitude réflexive sur la langue pour favoriser l’entrée dans l’écrit au cycle 2 ?
Pour répondre au problème posé, nous faisons les hypothèses suivantes : pour développer une attitude réflexive qui favorise l’entrée dans l’écrit, il est utile de :
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partir de ce que savent ou pratiquent les élèves à travers des situations qui les amènent à une observation plus précise de la langue,
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mettre en place un dispositif didactique précis qui permette de développer une attitude réflexive de la langue,
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articuler ces moments spécifiques d’étude de la langue avec d’autres domaines langagiers liés à l’écrit, à la lecture et à l’écriture.
1 Haas Ghislaine, Lorrot Danielle, « De la grammaire à la linguistique par une pratique réflexive de l’orthographe », Repères, n°14, 1996, p.164
2 Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? Les programmes 2007-2008, Scéren, p.88