Evaluer
Evaluer compétence et performance en orthographe
Evaluer : des pratiques diverses
Le mot évaluation se pare de qualificatifs divers. Sommative, formative, diagnostique … chaque acception renvoie à une pratique et à une visée précise. De fait c'est la visée de l'évaluation qu'il faut déterminer de façon à y adapter sa pratique. Afin de clarifier la problématique de l'évaluation de l'orthographe, mettons en parallèle pratique et visée : que fait-on et que veut-on savoir de l'élève ? Chercher l'exhaustivité en ce domaine exigerait un ouvrage à lui seul aussi nous bornerons nous, au travers de quelques exemples, à montrer quelques pistes fructueuses où chacun pourra jauger ses pratiques et tenter de les amender afin de produire une évaluation plus rigoureuse de ses élèves, voire même tenter de faire produire cette évaluation par les élèves eux-mêmes. D'aucuns diront que l'évaluation est de la responsabilité de l'enseignant. A ceux-là nous répondrons qu'évaluer est une activité de haut niveau intellectuel et que permettre aux enfants de s'y adonner contribue sans doute aucun à les rendre plus intelligents. Encore faut-il que les dispositifs d'évaluation soient accessibles et transparents.
Evaluation quantitative de l'orthographe
L'évaluation sommative (i) consiste à un moment donné du processus d'apprentissage (en général à la fin de celui-ci) à faire un bilan des connaissances de l'apprenti. C'est, en bref, un examen de passage. Cependant un examen délivre généralement une autorisation, de poursuite du cursus par exemple. L'évaluation pratiquée à l'école élémentaire n'a que fort rarement cette fonction. Plus généralement l'évaluation sommative marque la fin de l'étude d'un chapitre et en sanctionne l'acquisition. Il n'y a jusque là rien de bien choquant. Le problème est posé par les contenus évalués et par la façon dont sont mesurées la performance et la compétence de l'apprenant.
S'agissant d'orthographe, les évaluations sommatives s'apparentent à des exercices d'application, et le résultat de l'évaluation est une note qui rend compte de la proportion du nombre d'items réussis, c'est à dire à une approche quantitative de la maitrise d'un objectif spécifique. L'inconvénient majeur des notes est qu'on les transforme aisément en moyenne et qu'une fois cela fait, la moyenne n'a plus de sens. Peut-on allègrement mélanger dans le même pot orthographe lexicale, accord sujet-verbe et dictée préparée ? A notre avis non. Si rien ne s'oppose à une notation mathématique des performances orthographiques, encore faut-il que la présentation des résultats fassent apparaitre clairement les contenus et les savoir-faire évalués. Mais ce qui précède ne s'applique qu'à une étude de la langue décrochée des réalités de la communication. Ainsi s'agit-il d'évaluer des apprentissages très formels et bien délimités et l'évaluation quantitative est fort souvent appliquée à tort et notamment lors de l'exercice de la dictée.
Si la dictée est un exercice fort intéressant, les pratiques évaluatives qui l'accompagnent sont fort discutables et nous en discutons donc à présent. La notation d'une dictée pose la question d'une évaluation négative des performances qui est la pratique la plus répandue. L'évaluation négative revient à débuter l'exercice avec un capital de points (10 ou 20) puis à le voir se réduire en fonction des erreurs réalisées. Un barème est appliqué qui attribue un certain nombre de points à chaque type d'erreur. Si l'évaluation négative se base dans le calcul de la note sur l'échec, on peut aussi opérer un calcul qui relativise l'erroné et le juste. Ainsi peut-on penser qu'une évaluation positive est meilleure. Sur le plan symbolique elle l'est sans doute. Il vaut toujours mieux mettre en évidence ce qui est bien plutôt que ce qui ne l'est pas. L'évaluation positive montre alors ce qui est juste c'est à dire (en général) la plus forte proportion de mots dans la dictée. Pour mesurer l'intérêt relatif de l'un ou l'autre mode de calcul prenons un exemple.
A des fins de recherche, un relevé d'erreurs a été effectué dans une classe de CE2 : des écrits divers ont été observés dans le cahier du jour (dictées, exercices de math, de grammaire …) et les erreurs orthographiques ont été relevées. Le problème posé est : comment évaluer l'orthographe des enfants et donc réaliser une évaluation la plus objective possible de la performance orthographique(ii).
Le tableau ci-dessous rend compte du nombre d'erreurs observées, du nombre de mots écrits par les enfants dans le même temps et présente la proportion d'erreurs et de mots justes dans les textes écrits.
Relevé d'erreurs effectué dans un CE2 au premier trimestre de l'année scolaire
En ramenant toutes les performances à cent mots écrits (c'est le sens du calcul de pourcentage) on obtient l'équivalent d'une dictée d'un petit paragraphe. Si nous voulons noter sur vingt l'orthographe de ces enfants, nous sommes donc confrontés au problème du choix d’un mode de calcul. Appliquons divers barèmes à ces résultats. Nous effectuons deux notations négatives. L'une retire deux points par erreur, l'autre un point seulement. Enfin effectuons une évaluation positive, c'est à dire que la note est proportionnelle au nombre de mots correctement écrits. Le graphique ci-dessous montre l'arbitraire qui émerge de ces évaluations : un même élève obtient des notes variées alors que sa performance n'a pas changée.
Le premier élément d'injustice apparait dans le barème de l'évaluation négative. En effet, il n'est rien de plus arbitraire que ce barème. Certes il peut être expliqué, explicité, débattu … cela n'enlève rien au fait que généralement la valeur en point attribuée à chaque erreur est trop élevée. De plus au delà d'un certain seuil tous les élèves ont zéro ce qui nuit à la lisibilité de l'évaluation car tous ces zéros ne se valent pas puisque, objectivement, certains devraient obtenir des notes négatives si la logique du barème de retrait de point étaient appliquées jusqu'au bout. La logique voudrait donc que le barème attribué à chaque erreur soit proportionnel au nombre de graphèmes d'une catégorie précise dans le texte. On imagine sans mal la complexité du calcul de la note que l'application d'un tel principe entraine.
Le second élément d'injustice est révélé par le mode de calcul positif. Au lieu de retrancher des points lorsqu'il y a erreur, attribuons en chaque fois qu'il y a réussite. On voit alors les notes effectuer une remontée spectaculaire puisque la moyenne du groupe d'enfants grimpe soudain à 17/20 alors qu'elle était de moins de 7/20 avec le mode de calcul négatif. Comment trancher dans ce débat où tous les résultats sont excessifs dans un sens ou dans l'autre ?
Moyenne évaluation négative -2pts/erreur |
2/20 |
Moyenne évaluation négative -1pt/erreur |
7/20 |
Moyenne évaluation positive |
17/20 |
Revenons au problème de la notation. L'orthographe est un marqueur social fort et l'école n'a fait que perpétuer ce marquage qu'elle a d'ailleurs contribué à créer. La dictée a longtemps été une épreuve de sélection. L'existence d'un seuil se justifie dans ce cas. Si contestable que soit la sélection scolaire, si l'on veut la mettre en œuvre, il faut s'en donner les moyens. L'évaluation négative en est un. Elle établit un seuil en deçà duquel le candidat peut être éliminé. Il n'est guère question alors d'apprentissage.
Il est désormais admis que le but de l'école n'est pas de sélectionner mais de faire progresser les apprenants. Il convient alors d'user de l'évaluation négative avec prudence. Un effet pervers de l'évaluation négative est la fréquence de l'erreur : une erreur très fréquente coute beaucoup. Les barèmes les plus conservateurs attribuent beaucoup de points aux erreurs d'orthographe grammaticale (par exemple l'accord sujet-verbe). Or ces erreurs sont les plus fréquentes parce qu'elles interviennent dans les domaines les plus difficiles à acquérir : on pénalise donc les enfants sur des domaines où ils sont "naturellement" le moins compétents ! La faute pédagogique à ne pas commettre est d'appliquer l'évaluation négative à l'ensemble des domaines de l'orthographe en même temps. L'évaluation négative est adaptée pour mesurer une acquisition très ponctuelle. Il s'agit alors de l'évaluation sommative d'un objectif pédagogique très limité.
Poursuivons avec l'exemple de l'accord sujet verbe. Quand l'enseignant s'est assuré que tous les élèves sont capables de repérer le sujet d'un verbe (il s'agit ici de grammaire et non d'orthographe), il donne (par exemple) dix phrases à écrire (une dictée à trou peut faire office de support). L'évaluation porte alors sur les marques d'accord et rien que sur les marques d'accord. Chaque erreur fait perdre un point à l'élève. L'objectif est clair et simple. La performance attendue est facilement définissable (mais pas nécessairement facilement acquise). L'évaluation négative peut s'appliquer. On notera qu'elle est alors strictement symétrique à l'évaluation positive. Que l'on compte en plus ou en moins produit dans ce cas le même résultat. Si cela est, on peut penser à juste titre que l'évaluation est correcte.
L'accumulation de petites évaluations sommatives, si pratique pour calculer une moyenne trimestrielle, ne rend cependant compte de la compétence de l'enfant que dans deux cas : si la moyenne est très proche de la note maximale l'enfant n'a, a priori, pas de problème d'acquisition ou au contraire si elle est très proche de la note minimale, le problème d'acquisition étant alors généralisé. Entre les deux, cette méthode est totalement inopérante. Il faut pour cela mettre en œuvre un dispositif qui rende compte de la qualité des erreurs réalisées et non plus seulement de leur quantité. L'enseignant est alors confronté à une alternative : celui du mode d'évaluation.
L'évaluation sommative est une nécessité opérationnelle. Elle permet à l'enseignant comme à l'apprenant de mesurer les effets immédiats de l'apprentissage. Cela produit un morcellement de l'information évaluative. Il semble donc indispensable de lui adjoindre une évaluation qui intègre à la fois le coté quantitatif et le coté qualitatif. L'évaluation qualitative que nous présenterons plus loin propose une démarche plus globale et plus circulaire. Avant cela intéressons-nous à l'évaluation de la performance orthographique d'un point de vue pratique.
Représenter la performance
Si l'on veut évaluer la performance orthographique d'un enfant sur le plan quantitatif il semble raisonnable d'opérer de manière positive. Le pourcentage d'erreurs présentes dans le texte graphié est un indice pertinent de la performance. Pour le trouver il suffit de rapporter le nombre d'erreurs relevées à une quantité donnée de mots. Nous avons choisi de calculer sur la base de 100 mots parce que les pourcentages sont une réalité des informations statistiques qui nous entourent comme les sondages par exemple. Mais pour obtenir une note il suffirait de rapporter le nombre d'erreurs à 20 mots. Le pourcentage nous apparait cependant plus pertinent car il fait échapper l'évaluation de l'orthographe à la notation. Il oblige ainsi les élèves mais aussi leurs parents à prendre du recul, à jauger la performance orthographique sur des critères moins strictement scolaires et plus objectifs sur le plan scientifique.
Le calcul de la performance que nous effectuons est strictement positif. Nous ne retirons pas des points pour les erreurs faites, nous faisons, avec les élèves le constat d'une réalité linguistique, il s'agit alors de mesurer avec eux et de la manière la plus objective, leur capacité à orthographier correctement un texte.
La formule que nous appliquons est celle d'une simple règle de trois :
Nombre d'erreurs : Nombres de mots écrits x 100 mots = Pourcentage d'erreurs
La performance ainsi calculée montre à un instant donné ou sur une période fixée la capacité de l'enfant à graphier correctement les mots d'un texte. Cela permet notamment de jauger la performance de l'enfant à celle de la classe ou à sa propre performance passée. Deux documents peuvent être produits : l'un permet la comparaison des performances dans la classe, l'autre présente l'évolution de la performance d'un enfant. Le caractère objectif du calcul montre à l'enfant une réalité débarrassée de l'évaluation sociale que porte par exemple la dictée. De plus, la proportion de mots justes étant généralement bien supérieure au nombre d'erreurs, l'enfant en échec vit mieux sa situation. La lecture d'un histogramme où les résultats peuvent être anonymés aide grandement ce type d'enfant à saisir la réalité de sa compétence, tout du moins cela l'aide plus qu'un zéro de moyenne en dictée.
Le document ci-dessous montre le résultat d'une évaluation de la performance des élèves d'une classe de CM2.
Corrélativement à ce type de synthèse qui ne peuvent être faites que quatre ou cinq fois par an, il s'avère productif de faire calculer sa performance à l'enfant de manière plus fréquente. Ainsi, si après chaque texte écrit et relu par l'enfant, le repérage des erreurs par l'enseignant donne lieu à un calcul de performance, on voit les enfants surveiller eux mêmes leur performance et tenter de l'améliorer d'un texte à l'autre. Cette vigilance orthographique auto-entretenue n'est pas le moindre des résultats qu'on peut attendre d'un système d'évaluation de l'orthographe qui implique à la fois le maitre et l'élève et pas seulement l'enseignant.
Evaluer la performance en correction
Motiver la recherche des erreurs ne s'obtient pas uniquement avec le calcul de la performance. Un système valorisant la correction après écriture remplace ou complète parfois avantageusement le simple calcul de pourcentage. Certains enfants ont besoin d'une note. Nous l'avons déjà dit, le calcul de pourcentage peut être maquillé en note. Cela n'est cependant guère satisfaisant. Il est plus productif de conserver un caractère d'observation objective à la proportion d'erreurs sises dans les textes et réserver une notation pour la correction guidée de ces erreurs. En effet, si une note d'orthographe est calculée non pas en fonction des erreurs faites mais en fonction des erreurs corrigées, la motivation des enfants en difficulté grandit car l'apprentissage est aussi motivé par la sanction sociale valorisante qu'est une bonne note. Cela comporte cependant un écueil. L'enfant en difficulté gére une quantité d'erreurs susceptibles d'épuiser ses ressources cognitives. Une différenciation des contraintes de correction est alors nécessaire(iii).
Ici encore une simple règle de trois autorise le calcul d'une note sur des critères objectifs : le nombre d'erreurs corrigées. Après écriture du texte (dictée ou rédaction), l'enseignant organise le repérage des erreurs. Chaque enfant est alors confronté à son propre corpus d'erreurs, charge à lui de les corriger avec toutes les aides qui auront été mises en œuvre dans la classe. A la fin de la séance, la note sera attribuée en proportion des erreurs corrigées selon un calcul de proportion :
Nombre d'erreurs corrigées / Nombre total d'erreurs x 20
Ce type de calcul ne conditionne pas la note à la performance en écriture. Un élève bon orthographieur qui ne réaliserait que deux erreurs lors de l'écriture de son texte obtiendrait 10/20 s'il n'en trouvait qu'une. L'écueil à éviter est de laisser des enfants en difficulté se noyer dans une avalanche d'erreurs. Pour eux, il convient d'organiser des corrections thématiques. On peut tout à fait envisager de demander à un enfant de ne corriger que les problèmes d'accord ou seulement ceux de conjugaison…
A ce stade, l'enseignant a deux indices à sa disposition : le pourcentage d'erreurs réalisées et la note de correction de ces erreurs. Aucun n'indice cependant ne permet d'évaluer la compétence de l'enfant, de savoir dans quel domaine il réalise le plus d'erreur. Pour obtenir une telle information, il est indispensable de passer par une évaluation qualitative de l'orthographe.
Evaluer la compétence
Une évaluation qualitative suppose que la procédure s'intéresse en premier lieu à la qualité de l'erreur et renvoie la quantité à une seconde analyse. Ce type d'évaluation s'adresse soit à l'enseignant seulement, il s'agit alors de poser un diagnostic, soit à l'élève aussi, on entre alors dans un système d'évaluation formative. La seconde solution, sans exclure la première, est la plus profitable sur le plan de l'apprentissage. Elle implique cependant un dispositif plus lourd mais qui s'intègre bien au nécessaire travail sur la nature des erreurs(iv). Dans les deux cas l'évaluation devient une aide à la prise de conscience des capacités de l'élève. Pour montrer l'intérêt pour l'élève comme pour l'enseignant d'une évaluation qualitative et donc l'intérêt d'un travail sur la capacité à identifier les erreurs, reprenons notre exemple.
Dans la classe l'enseignant fixe pour objectif la maitrise de l'accord sujet-verbe et corrélativement la maitrise des marques de pluriel sur le verbe. Plus simplement les élèves devaient être capables d'inscrire la marque NT à la fin des verbes du premier groupe à la troisième personne du pluriel. A la suite d'une séquence d'apprentissage, l'évaluation est une dictée traditionnelle présentant la difficulté travaillée et où tous les mots ont déjà été vus en classe. Si l'évaluation s'appuie sur le nombre global d'erreurs, l'objectif initial n'est pas évalué seul. L'évaluation quantitative ne rend pas compte de la maitrise de la capacité à écrire les marques pertinentes de l'accord entre sujet et verbe. Pour rendre compte de cela il faut soit séparer les erreurs selon leur nature, soit ne tenir compte dans l'évaluation que des seules erreurs en lien direct avec l'objectif d'apprentissage. On est alors dans une évaluation qualitative qui subordonne l'aspect quantitatif.
En préférant une évaluation quantitative de la variation à une évaluation qualitative, l'enseignant brouille la portée du jugement qu'il porte sur la compétence de l'apprenant. En revanche si l'aspect qualitatif de la variation est prééminent, il permet à l'élève de se construire une représentation de ce qu'est sa compétence et l'aide à remédier à ses défaillances. Il en résulte qu'une structuration du champ de la variation orthographique(v) doit être opérée pour que l'apprenant comprenne l'évaluation. En nommant l'erreur qu'il a commise, en étant capable de distinguer qualitativement deux erreurs, l'apprenant acquiert des savoir de haut niveau sur le système orthographique(vi). Dès lors qu'il maitrise même partiellement le champ de la variation, l'apprenti peut s'engager dans la correction avec des chances accrues de réussite. La découverte des différents types d'erreurs qu'il peut faire aide grandement l'élève à anticiper celle-ci lors de l'écriture ou de la relecture. Le travail sur la nature des erreurs constituent donc pour l'enfant une découverte du système orthographique, une découverte de sa propre compétence mais aussi un préalable à l'évaluation formative.
Un exemple en CM 2 :
Cet histogramme (réalisé au moyen d'un logiciel tableur) peut aussi être construit à la main et par les élèves. Il présente les divers types d'erreurs réalisées par un élève et leurs proportions pour un texte type de 100 mots. L'intérêt d'un tel diagramme est double. Sous réserve qu'il ait été établi au moyen d'un corpus d'une trentaine d'erreurs qui constitue un seuil statistique pour l'évaluation, il permet la visualisation de la compétence de l'enfant en fonction des catégories d'erreurs. Les domaines de faiblesse de l'enfant apparaissent très nettement. Il s'agit ici des marques lexicales (lettres muettes) et des marques du féminin. Par ailleurs, si cette évaluation est répétée selon une fréquence qu'il appartient à l'enseignant ou à l'équipe de cycle de déterminer, il permet de constater les évolutions, c'est-à-dire les effets de la pédagogie mise en place dans tel domaine ou dans tel autre. Les dispositifs de ce type constituent donc un outil d'évaluation des élèves mais aussi de la pédagogie mise en œuvre. Hâtons nous de préciser que les effets doivent être attendus à moyen terme, au moins sur l'année. Les enseignants doivent donc s'armer de patience et ne pas attendre de résultats spectaculaires pour la fin du trimestre en cours, même si parfois on a le plaisir d'en constater chez quelques individus particulièrement réceptifs.
Remettre en question un mode de calcul de la note se fait a priori sans trop de difficulté. Passer à un mode d'évaluation qualitatif est un pas plus délicat à franchir notamment à cause de la somme de travail que cela représente lors du premier essai. Quelques conseils pour cela :
De façon à construire un outil conforme au projet d'enseignement apprentissage nous proposons ci-dessous trois dispositifs d'évaluation qualitative que les enseignants pourront adapter selon leur motivation et leurs besoins.
Mettre en place une évaluation diagnostique
Le Ministère de l'Education Nationale a publié une brochure d'aide à l'évaluation des élèves (vii). Pour le cycle des approfondissements il y est préconisé un dispositif simple d'évaluation qui consiste en une dictée de dix-huit mots dont chacun comporte une difficulté spécifique. L'évaluation porte donc sur tous les mots et a prétention à survoler le programme dans sa globalité sans pour autant prétendre à l'exhaustivité.
Le texte de la dictée est le suivant :
“ Les invités sont certainement perdus. S'ils ne retrouvent pas rapidement leur chemin, nous irons les chercher. ”
Remplir le tableau ci-dessous, permet d'appréhender rapidement la nature et les types d'erreurs réalisées par chacun et donc par compilation des résultats individuels dans la fiche récapitulative jointe, d'obtenir une vision globale de la classe.
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Réponses |
Code |
mot correctement orthographié |
1 |
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méconnaissance de l'orthographe lexicale |
2 |
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méconnaissance des règles d'accord ou de conjugaison |
3 |
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cumul dans le même mot ou groupe de mots des deux types d'erreurs |
9 |
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absence de réponse |
0 |
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Nom de l'élève |
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Mots à coder |
1 |
2 |
3 |
9 |
0 |
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a |
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b |
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c |
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g |
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i |
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j |
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k |
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1 |
2 |
3 |
9 |
0 |
a |
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b |
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c |
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d |
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e |
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f |
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g |
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h |
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i |
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j |
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k |
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l |
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Les avantages du dispositif sont la simplicité de mise en œuvre et la rapidité de l'évaluation qui peut être dépouillée avec le logiciel Casimir fourni pour le traitement des évaluations nationales CE2. Ce dispositif peut évoluer vers une évaluation formative notamment en diversifiant peu à peu la typologie d'erreurs suggérée par le document ministériel et en impliquant progressivement les enfants. Son principal inconvénient est de se révéler relativement lourd à manipuler pour une utilisation plus fréquente comme cela pourrait se faire avec un exercice du type de la "phrase du jour" (viii). Excellent donc pour un diagnostic ponctuel, à amender pour une utilisation plus fréquente.
Mettre en place une évaluation formative
Certains collègues téméraires se lanceront aisément dans la construction d'un dispositif nouveau en y impliquant les enfants. On peut aisément admettre que, dans un domaine aussi sensible que l'orthographe, d'autres préfèrent une démarche plus progressive. Pour cela, outre le dispositif précédent, nous proposons deux entrées dans la démarche d'évaluation formative. La première utilise la dictée comme support de l'évaluation de l'orthographe. Elle répond en cela à une certaine demande sociale et ne rompt pas non plus avec une certaine tradition scolaire. L'autre utilise l'expression écrite comme support évaluatif. Elle permet une approche plus "écologiste" de l'orthographe.
Pour mettre en place un dispositif d'évaluation de l'orthographe, l'enseignant doit répondre à une question fondamentale : quel va être le degré d'intégration de l'apprentissage de l'orthographe aux autres activités de français. Si l'apprentissage orthographique est une activité autonome et décrochée, l'évaluation sera elle-même autonome. Découverte et utilisation du système sont menées au cours de séances spécifiques. Dans ce cas la dictée apparait être la modalité d'évaluation de l'orthographe la plus adaptée et la plus simple. Au contraire si l'enseignant souhaite une plus grande intégration de l'orthographe, il recourra à un système d'évaluation utilisable dans toutes les activités d'expression écrite. La découverte du système est alors formellement autonome du dispositif d'évaluation. En d'autres termes, l'orthographe fera l'objet de deux démarches parallèles mais complémentaires : la découverte du système est intégrée aux activités d'apprentissage de la langue écrite tandis que l'évaluation de l'orthographe est réalisée sur les textes produits par les enfants. L'enseignant est ici devant un réel choix pédagogique. Le balayage systématique du programme ou l'approche globale du système. La première option renvoie à une forme pédagogique plus rassurante où les objectifs peuvent être programmés précisément. L'option écologiste permet une évaluation en prise avec la réalité de l'expression écrite qu'elle s'exerce en mathématiques, en histoire ou en poésie. L'orthographe n'est plus alors une sous-discipline du français mais un outil transversal au service de l'expression de l'enfant.
Quel que soit le choix opéré, les outils à construire sont à peu près identiques. Il s'agit de mesurer la performance orthographique selon certains critères : la qualité des erreurs réalisées, leur quantité globale et par type d'erreur, et l'évolution de ces quantités dans le temps. Corrélativement on peut mesurer la capacité des enfants, à corriger leurs erreurs. L'évaluation consiste alors à relever des indices observables, les erreurs, poser certains constats quant à la répartition de ces erreurs et à proposer des pistes de remédiation.
Après avoir constaté la nature des erreurs fréquemment réalisées par un enfant, on peut avec lui faire quelques constats. Au travers d'un diagramme de répartition des erreurs, il devient aisé de lui montrer où sont ses lacunes comme ses atouts. Il s'instaure alors un dialogue sur la compétence et sur les moyens individuels qu'il convient de mettre en œuvre pour l'améliorer. Certes les activités de découverte proposées par l'enseignant contribuent à cette amélioration, mais un renforcement en est obtenu par un traitement plus individualisé. En montrant à l'enfant une représentation de sa compétence, on cherche avant tout à lui faire prendre conscience de celle-ci. Une application directe de l'observation du diagramme qualitatif d'un enfant est de pouvoir orienter ses efforts en relecture des textes. Sachant ses faiblesses, il devra faire porter ses efforts sur ses points particuliers. Les stratégies développées au cours des activités collectives pourront alors être mises à profit.
La représentation de la compétence doit aussi être rapportée à une performance globale évaluée positivement. Nous proposons de ne parler avec les enfants de performance orthographique qu'en terme de rapport graphies erronées / graphies normées. La voie la plus efficace en ce domaine est de ramener toutes les productions à 100 mots écrits. Outre le fait que cela procure une situation mathématique intéressante, cela permet d'objectiver la performance de chacun, par comparaison à l'ensemble de la classe et par comparaison avec soi-même dans le temps.
Enfin, au-delà d'une certaine prise de conscience, l'évaluation qualitative permet aussi de proposer des exercices de remédiation. Ainsi chaque enfant peut-il être entrainé à combler ses lacunes. Le gain de temps pour certains élèves est considérable : il ne font plus les exercices qui leur sont inutiles. Est-il besoin, en effet, de faire pratiquer à un enfant des exercices qui se rapportent à une capacité cognitive qu'il a déjà acquise ?
Les trois domaines de l'évaluation que nous proposons nécessitent des outils spécifiques. Nous les présentons à présent.
Représenter la compétence
Relever les erreurs
La première étape au cours d'une démarche d'évaluation formative de l'orthographe consiste à trier les erreurs faites par un enfant. Il est évidemment indispensable d'avoir prévu au préalable une structuration du champ de la variation orthographique, c'est à dire d'avoir construit ou au moins utilisé une typologie d'erreurs(ix).
Le relevé des erreurs classées par type est l'outil de base de l'évaluation formative de l'orthographe. Il autorise une évaluation qualitative comme une évaluation quantitative de la performance orthographique. De plus il implique les enfants dans l'évaluation dès le début du cycle. Repérer les erreurs, les classer, les dénombrer sont des activités qui participent au développement de la compétence. L'enseignant peut donc en tirer avantage dans son évaluation.
Après codage des erreurs soit par l'enseignant soit par les enfants, chaque élève remplit une grille personnelle où sont portés les différents types d'erreurs, la quantité d'erreurs réalisées dans chaque type, et le total d'erreurs. Il est prudent d'adjoindre une ligne où sera porté le nombre de mots écrits, ceci pour effectuer quelques calculs que nous verrons ultérieurement(x).
Traitons un exemple concret au moyen d'une grille simplifiée. La typologie d'erreurs utilisée est celle proposée dans l'évaluation diagnostique que nous avons proposée ci-dessus. Une telle typologie n'est pas assez fouillée et sa terminologie pas assez concrète pour aider les enfants. Elle ne nous sert qu'à faire vivre un exemple. Pour une évaluation plus intéressante nous renvoyons le lecteur aux typologies que nous avons déjà citées.
Exemple de grille de relevé d'erreurs
Date |
15-10 |
20-10 |
5-11 |
Total |
Type |
|
|||
méconnaissance de l'orthographe lexicale |
2 |
0 |
1 |
3 |
méconnaissance des règles d'accord |
3 |
4 |
3 |
10 |
méconnaissance des règles de conjugaison |
7 |
6 |
5 |
18 |
Total Erreurs |
13 |
11 |
9 |
|
Tracer un histogramme de la compétence
Au moyen de cette grille, il est possible de dresser un histogramme de la compétence de l'enfant.
Le tracé manuel de l'histogramme est possible. Chaque case représente un nombre fixe d'erreur. Il s'agit d'une situation de proportionnalité qui est au programme du cycle III. Son traitement par les élèves s'intègrent donc parfaitement à la classe.
Dans l'exemple que nous présentons ici, l'élève aurait de grandes difficultés en conjugaison. Il va de soi que ce type de représentation est d'autant plus intéressant que la typologie est complète et diversifiée (xi).
Histogramme simplifié
nombre d'erreurs |
18 |
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16 |
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14 |
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|
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12 |
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10 |
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8 |
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6 |
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4 |
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2 |
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|
0 |
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Types d'erreurs |
méconnaissance de l'orthographe lexicale |
méconnaissance des règles d'accord |
méconnaissance des règles de conjugaison |
Il apparait ainsi qu'on peut dès le début du cycle à l'aide d'outils simples, comme le comptage d'erreurs identifiées par l'enseignant, débuter une évaluation qualitative de la compétence de l'enfant et en produire une représentation graphique sans moyen techniques complexes. Il est évident que l'outil informatique construit des représentations graphiques de meilleure qualité.
L'évaluation dans le projet
La construction du projet d'enseignement - apprentissage de l'orthographe doit prendre en compte la problématique de l'évaluation. Un dispositif sophistiqué est certes lourd à mettre en place, mais il permet une évaluation de l'enfant par lui-même. Cela est un facteur de réussite important car l'enfant comprend assurément les objectifs qu'il doit atteindre. Par ailleurs il permet une objectivation des difficultés orthographiques et rend plus pertinentes les séances de découverte du système ainsi que les séries d'exercices que nous imposons trop souvent aux enfants de manière arbitraire. Enfin, et ce n'est pas là sa moindre qualité, un dispositif d'évaluation formative de l'orthographe contribue à démystifier le code écrit et donc à humaniser un peu cette norme si délicate à acquérir. Aussi ne saurions nous trop conseiller aux enseignants désireux d'établir un projet sur l'orthographe de commencer par déterminer quel type d'évaluation ils veulent mettre en place. En effet, l'évaluation permet de détecter les difficultés des enfants et donc d'y répondre par des activités adaptées. Si l'évaluation ne sert pas à répondre aux besoins des enfants alors elle ne sert pas à grand chose.
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i Evaluation qui permet d'observer la "somme" de connaissance acquise dans un domaine très précis après apprentissage.
ii Le nombre de mots écrits par enfants est diffèrent car le relevé est significatif au delà d'une trentaine d'erreurs réalisées. C'est donc le nombre d'erreurs qui a déterminé l'arrêt du relevé.
iii Voir pour cela le chapitre "Acquérir des stratégies"
iv voir "Raisonner avec les erreurs"
v Le champ de la variation orthographique comprend certes les erreurs, mais aussi les variations volontaires, les calembours, l'homophonie …
vi Ces connaissances relèvent de la structuration interne de l'orthographe en tant que système d'écriture.
vii Aide à l'évaluation des élèves, Cycle des approfondissements, Ministère de l'éducation nationale, Direction de l'évaluation et de la prospective.
viii Voir au Chapitre "Acquérir des stratégies"
ix Pour la construction de la typologie voir "Raisonner avec les erreurs" pour une utilisation sans construction voir la typologie proposée en annexe"
x Des modèles de grille et de tableaux sont disponibles en annexe.
xi Le lecteur peut notamment se reporter à l'exemple présenté en début de chapitre.