Conjugaison

Un système à construire : la conjugaison

Les savoirs

En matière de conjugaison, les programmes sont à la fois vastes et précis. Vastes, parce qu’ils intègrent quelques verbes irréguliers. Précis, car ils délimitent clairement ce qu’il convient de traiter.

Avant de proposer quelques pistes de travail, précisons que le travail orthographique en conjugaison ne saurait être efficace que s’il est le relais de la construction du sens des différents temps verbaux. Autrement dit, la conjugaison ne prend son sens que postérieurement à une structuration des valeurs sémantiques des temps verbaux en lecture ou en expression écrite.

Les connaissances à acquérir s’organisent selon trois axes : les verbes, les temps verbaux, la notion de personne. Les  tableaux ci-dessous montrent les exigences des instructions officielles concernant les verbes et les temps.


Temps verbaux à étudier (i) :


Indicatif :

Présent

Passé composé

Imparfait

Passé simple

Futur


Impératif :

Présent


Eventuellement : 

Conditionnel : présent

Subjonctif : présent


Liste des verbes à étudier :


Auxiliaires avoir et être

Verbes en er du type chanter (et les particularités des verbes en GER et CER)

Verbes en ir (du type finir)

Verbes faire, pouvoir, aller, venir, voir, prendre.


Une stratégie efficace consiste à centrer l’apprentissage, d’une part, sur les formes verbales les plus fréquentes et, d’autre part, sur les formes les plus stables. Le travail de structuration de ce champ de connaissances consiste alors à relier les formes stables qui constituent ce que l’on appelle généralement des règles et les formes fréquentes que l’on regroupe sous l’expression de verbes irréguliers.

La stabilité s’incarne pour l’essentiel dans les verbes du premier groupe (du type “ marcher ”) et deuxième groupe (du type “ finir ”). Les formes les plus fréquentes sont celles qui présentent le plus d’irrégularités. Pratiquement, les groupes de verbes n’ont réellement de sens que pour les deux premiers, le troisième groupe réunissant tout ce que ne contient pas les deux autres. Il convient alors d’envisager la conjugaison non pas selon le “ groupe ” verbal mais selon le nombre de formes orales existantes pour un même verbe dans les différents temps. Le verbe être est le plus complexe avec sept bases orales dont toutes n’entrent pas dans le programme : être, je suis, il est, nous sommes, ils sont, j’ai été, j’étais, je fus, je serai, qu’il soit, soyons ... A l’opposé les verbes du type “ marcher ” ont une seule base orale fixe : manger, je mange ... Une fois encore avec l’orthographe, c’est un système complexe qu’il faut mettre en place.


Liste des verbes par le nombre de formes orales de conjugaison (complexité du système de conjugaison)

7 bases

5 ou 6 bases

4 bases

3 bases

2 bases

1 base

être

faire

aller

pouvoir

vouloir

avoir

savoir

venir

dire

prendre

valoir

tenir

falloir

devoir

voir

recevoir

boire

connaitre

paraitre

vivre

envoyer

finir

grandir

...

nuire

cuire

donner

manger

lancer

...


Construire un système

Tenter de reconstruire la norme orthographique de la conjugaison française est une utopie pédagogique à laquelle il est prudent de ne pas s’attaquer au cycle III. La classe peut fort bien se borner à constater l’existence de formes verbales et à tenter de structurer le champ de variation que ces formes constituent. Donner un peu de sens aux variations graphiques constatées est alors un objectif suffisamment difficile à atteindre. L’écueil principal à éviter est de mettre en place chez l’élève une variation purement graphique du type :  “ Il y a un s à avons parce qu’il y a un s à nous ! ” Il n’y a rien à inventer en matière de conjugaison. Dictionnaires, manuels, grammaires, recueils, répertoires issus de l’édition constituent autant de référents possibles tant pour l’écriture d’expression que pour l’étude de la conjugaison. La conjugaison, souvent pratiquée au travers de listes de désinences plus ou moins rébarbatives à recopier, fait souvent l’impasse sur la mise en évidence des cohérences du système pour s’attacher presque exclusivement au couple verbe-temps. Afin d’empêcher que s’installe des représentations erronées de la variation verbale, il convient de structurer le champ de manière adéquate et la conjugaison d’un verbe donné à un temps donné n’est vraisemblablement pas la meilleure.

Deux types de référents peuvent constituer un corpus d’étude de la conjugaison. Les référents normatifs comme les dictionnaires ou les grammaires offrent l’opportunité d’accéder rapidement à un grand nombre de formes conjuguées. Ces documents ont en outre la fonction de dire la norme linguistique. Etudier des listes de conjugaisons c’est donc étudier la norme en la matière. Cependant, aussi efficace que soient ces listes, il demeure indispensable de se pencher sur une conjugaison réelle, celle trouvée dans les textes. Nous recommandons donc d’exploiter les deux pistes (textes et référents) en privilégiant l’étude du corpus textuel au début des progressions pédagogiques et en réitérant ici l’obligation didactique qui consiste à traiter de la valeur sémantique des conjugaisons en amont du travail orthographique.

Quand le corpus d’étude est constitué, que faire au delà des constats d’usage qui se bornent à constater le lien entre la présence d’un pronom de conjugaison et d’une terminaison ? La réponse à cette interrogation réside dans l’organisation conceptuelle du champ “ conjugaison ”.

Cette organisation intègre en premier lieu les verbes les plus fréquents. Les exercices de conjugaison les utiliseront en priorité. Si les Instructions Officielles (I.O.) délimitent strictement la liste des verbes à maitriser(ii), il n’est nullement interdit d’en déborder un peu pour structurer les connaissances. Les I.O. définissent en fait le cadre de l’évaluation. La liste des 14 verbes les plus fréquents (voir ci-dessous) élargit la perspective à des verbes qui sont susceptibles d’être rencontrés dans les textes. La liste des 130 verbes les plus fréquents couvrent bien plus que le besoin de l’école élémentaire. Elle propose par ailleurs une base pour une étude lexicale des verbes ce qui présente l’avantage de mettre en cohérence les activités de vocabulaire et de conjugaison.


Doc C-8 verbes fréquents


Au delà de ces listes de verbes, le champ de connaissances prend en compte deux aspects délicats de la morphographie, à savoir la catégorie du temps et celle de la personne. Il n’entre pas dans notre propos de traiter les aspects grammaticaux de ces notions et nous nous bornerons à en traiter l’aspect orthographique.

Dans l’orthographe française, il n’y a pas de lieu où la variation est plus fréquente que dans le système verbal. Cette variation organisée provoque bien sur un grand nombre d’erreurs. Plus que de faire ingurgiter des désinences verbales, il convient de donner aux enfants les moyens de se retrouver dans le labyrinthe du système verbal. Les différents documents présentés ci-dessous tentent des synthèses. Le but de l’enseignant est de faire construire en classe des tableaux de ce type qui permettent aux élèves de se construire des stratégies de choix orthographique dans la tâche d’écriture. On s’attachera donc à ce qu’une des entrées du tableau mette en évidence l’action de l’enfant : par exemple “ Je remplace ” ou “ J’ajoute ”.

La personne

La référence dans la catégorie de la personne est la troisième du singulier. Elle est une des plus fréquente dans les textes et met en évidence les alternances orales (ex : il est / je suis). Faire effectuer un changement de personne in abstracto conduit nécessairement à l’échec tous les élèves qui ne maitrisent pas la conjugaison. Il existe deux solutions pour étudier un changement de personne. L’une relève de l’expression écrite, l’autre de l’étude linguistique.

La solution “ expression écrite ” consiste à modifier le point de vue d’un texte. Par exemple, un texte à la troisième personne sera transformé et rédigé à la première, tous les référents étant à la disposition des enfants. La suite logique de cette première étape sera d’observer les modifications apportées. Parmi elles apparait la conjugaison. On obtient un premier corpus réduit mais utilisable. Le tableau ci-après rend compte des changements observés qui ont été classés en fonction des marques graphiques.


Les changements de "personne"


De "il" vers "je"

3ème personne

Sans changement

Je remplace     -t

Cas particuliers



par -s

par -x


il mange

je mange




il sent


je sens



il peut



je peux


il est




je suis

il a




il ai

il va




je vais


De "il" vers "tu"

3ème personne

J'ajoute       -s

Je remplace     -t

Cas particuliers



par -s

par -x


il mange





il sent


tu sens



il peut



je peux


il est




tu es

il bat

tu bats




il a

tu as




il va

tu vas





De "il" vers "ils"

3ème personne singulier

J'ajoute       -nt

J'ajoute

-ent

Changement oral




voyelle

consonne

il mange

ils mangent




il sent


ils sentent



il peut




ils peuvent

il est



ils sont


il bat




ils battent

il a



ils ont


il va



ils vont




Progressivement, dans l’année, ou au cours du cycle, la liste des verbes peut être complétée. Les tableaux ci-dessus présentent à peu près  tous les cas possibles. Leur extension se fait donc par ajout de lignes. Les exercices d’entrainement consistent en reconstructions du tableau, en verbalisation de régularités, en redécouverte de conjugaisons par analogie avec les verbes contenus dans le tableau ... Ces tableaux deviennent alors des référents auxquels il est possible de se reporter.

Le temps

Le traitement du temps de conjugaison ne diffère pas fondamentalement du traitement de la personne. Les tableaux construits pour la personne sont utilisables pour étudier chaque temps qui nécessite au plus cinq tableaux. Compte tenu du fait qu’il y a cinq temps à étudier, l’ensemble du champ “ temps/personne ” représente 25 tableaux répartis sur les trois années du cycle. Le projet doit alors déterminer s’il est plus pertinent de traiter tous les temps chaque année, les tableaux s’enrichissant progressivement, ou s’il est préférable de réserver certains temps à la fin du cycle. Le choix dépend essentiellement de la répartition des types de textes dans le cycle.

Cependant, le temps du verbe, sur le plan orthographique, se construit à partir de l’infinitif. La variation formelle du verbe de l’infinitif vers le temps conjugué s’étudie de la même manière que la notion de personne. Il s’agit de regrouper les verbes selon leur forme initiale et selon leur forme conjuguée, donc de relier formellement la base lexicale du verbe à sa forme dérivée. S’il est évident que des verbes vont constituer des groupes stables (verbes en -ER) d’autres vont constituer des groupes plus aléatoires.

L’exemple du présent de l’indicatif met en évidence les irrégularités plus que les régularités. S’il permet de déterminer les contours du premier groupe il ne permet pas, en revanche, de déterminer ceux du second groupe. Au présent et à la troisième personne on constitue bien trois groupes mais ils ne correspondent pas à ceux définis dans les grammaires (iii).


Présent : Troisième personne du singulier


Infinitif

Groupe verbe

Conjugaison

Lettre finale

Terminaison

aller


il va

-A

-a

avoir


il a


-a

chanter

-ER

il chante

-E

-e

finir

-IR

il finit

-T

-it

venir


il vient


-ient

pouvoir

-OIR

il peut


-eut

voir


il voit


-oit

être

-RE

il est


-t

faire


il fait


-ait

prendre

-DRE

il prend

-D

-d



De fait, les groupes de conjugaison se construisent progressivement par l’étude des différents temps et des différentes personnes. Le second groupe (verbes en -IR comme finir) se dessine un peu mieux avec l’imparfait.


Imparfait : Troisième personne du singulier


Infinitif

Groupe verbe

Conjugaison

Lettres finales

Terminaison

aller


il allait

-AIT

-ait

avoir


il avait


-ait

chanter

-ER

il chantait

-AIT

-ait

finir

-IR

il finissait

-AIT

-issait

venir


il venait


-ait

pouvoir

-OIR

il pouvait


-ait

voir


il voyait


-yait

être

-RE

il était


-ait

faire


il faisait


-ait

prendre

-DRE

il prenait


-ait



La limitation à trois groupes de conjugaison n’est pas efficiente. Le troisième groupe doit être subdivisé. La construction pas à pas des principes formels de conjugaison met en relief des groupements limités. C’est la manipulation réitérée des verbes les plus fréquents qui permet aux enfants de construire une système cohérent. Il n’est donc pas nécessaire de faire preuve d’originalité pour les contenus d’apprentissage en conjugaison : les verbes rencontrés dans les textes et les listes de fréquence suffisent amplement.

La programmation des observations jouera sur l’équilibre entre temps et personne. Il est vraisemblablement plus pertinent de débuter l’étude par le temps puis d’envisager le changement de personne mais l’intégration de l’étude de la conjugaison à l’étude des textes conduira à adopter parfois des démarches variées : de la forme conjuguée vers l’infinitif, la variation en personne avant la variation en temps. L’enseignant devra cependant faire réaliser les synthèses finales dans la configuration présentée ci-dessus de la troisième personne vers les autres ou de l’infinitif vers le temps conjugué qui correspondent à la logique de l’écriture et de la morphologie verbale.

Par ailleurs, si le projet d’enseignement - apprentissage envisage l’utilisation d’une typologie d’erreur, le travail effectué en conjugaison alimentera la définition des types d’erreurs (iv). L’erreur générique dite “ de conjugaison ” peut évoluer en “ confusion de temps ”, “ confusion de groupe ” ... L’écho donné à la conjugaison par des procédures d’analyse d’erreurs est un moyen plus efficace d’affermir les savoirs que des exercices structuraux plus ou moins pertinents.


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i Source B.O. du Ministère de l'Education Nationale

ii Voir ci-dessus.

iii Les synthèses présentées font abstraction des verbes en -soudre (résoudre) et en -indre (craindre) qui ne figurent pas au programme mais peuvent néanmoins apparaitre dans les textes.

iv Se reporter au Chapitre “ Raisonner ”