L'évaluation de l'orthographe

Lutter contre la représentation dominante de l'orthographe implique un mode d'évaluation qui assure une comparaison des performances de l'apprenant avec une norme objective. L'instauration d'une évaluation par décomptage négatif des points brouille la clarté de l'évaluation. D'abord parce que la conversion en points des types d'erreurs (deux points enlevés pour les fautes graves, un point pour) contribue très modestement au discernement du caractère des erreurs réalisées, ensuite parce que l'enfant en échec constatera qu'il ne progresse pas sur le plan de la moyenne arithmétique de la note. En effet, ce système de notation par retrait de points instaure des seuils au delà desquels la note est uniformément nulle. Un élève éprouvant de grandes difficultés orthographiques peut fort bien, malgré une forte progression ne jamais dépasser le zéro fatidique. D'autre part si la note constitue une évaluation très aisée à transmettre, la confusion de l'évaluation qualitative et quantitative est manifeste dans la notation. Cette confusion est orchestrée par le barème de conversion des grands types d'erreurs (orthographe grammaticale, orthographe lexicale, ponctuation, accentuation) en points. Il apparait donc indispensable de séparer l'évaluation quantitative de l'évaluation qualitative. Ce faisant l'apprenant pourra jauger sa performance globale tout en acquérant une information sur ses domaines de faiblesse. Pour l'enseignant, un tel dispositif d'évaluation renseigne d'une part sur les capacités réelles de chaque élève permettant donc de dispenser certains d'exercices dont il n'ont pas besoin, de constituer le cas échéant des groupes de besoin ou de programmer les leçons nécessaires aux divers groupes ou à la classe.

Outre les conséquences programmatiques de l'évaluation, celle-ci doit fournir une mesure de la performance linguistique. Cette performance on l'a vu se décline selon deux modalités. L'aspect qualitatif permet à chaque enfant de pointer ses domaines de fragilité tandis que l'aspect quantitatif rend compte d'une performance d'ensemble.

La pratique d'une évaluation qualitative suffisamment fine impose un outil de correction/rectification des écrits adapté qui prend la forme d'une typologie des erreurs d'orthographe. Cet outil peut être construit collectivement ou apporté par l'enseignant. La première solution nous semble plus efficace sur le plan des apprentissages. La typologie classe les erreurs selon la fonction du graphème (phonogramme, morphogramme, logogramme) et la nature de la variation (ajout, omission, confusion). Il se dégage rapidement et pour chaque enfant des constantes qui incitent celui-ci, spontanément ou à l'initiative de l'enseignant, à centrer son attention sur les domaines les plus fragiles de sa compétence. La rédaction et le toilettage des textes peuvent ainsi être guidés. Ce travail spécifique et individualisé produit à long terme des effets sensibles tant sur le comportement que sur le niveau de performance de l'enfant.

La part quantitative de l'évaluation se réduit à un comptage des erreurs qui se réalise dans un premier temps selon le classement typologique adopté en classe et dans un second temps en un décompte global. Le décompte par type permet l'évaluation qualitative tandis que le décompte global permet l'évaluation quantitative. Celle-ci est effectuée de manière positive. Elle prend en compte le nombre de mots contenant une variation rapporté au nombre global de mots écrits. L'application d'une simple règle de trois autorise le calcul d'un pourcentage de mots erronés ou d'une note. De prime abord, le dispositif parait lourd et rébarbatif. Il n'en est cependant rien. L'expérience nous a montré que si le dispositif nécessite un temps d'apprentissage, il s'entretient de lui même dès qu'il est entré dans les habitudes de la classe. Il peut en outre être partiellement informatisé, les élèves entrant eux mêmes les données. Enfin, l'établissement du portrait orthographique d'un élève est pertinent à partir d'une trentaine d'erreurs. Le dispositif peut donc être utilisé de manière discontinue tout en respectant une certaine régularité qui est à déterminer en fonction du projet construit pour la classe.

Le caractère objectif, scientifique de l'évaluation contribue à montrer à l'apprenti ses capacités objectives. L'évaluation se trouve ainsi dépouillée du carcan socio-normatif dont elle est fréquemment entachée. Ces pratiques relaient les activités de découverte du système et s'intègrent à tout dispositif visant à développer les capacités de raisonnement sur l'orthographe. La pratique d'une évaluation formatrice qui n'exclue pas des évaluations sommatives ponctuelles contribue largement à réconcilier avec l'orthographe des élèves en difficulté. Les dispositifs présentés dans cet ouvrage sont à adapter à la construction du projet autour de l'orthographe.

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