Logogramme3
La subversion de la logographie
Pour en améliorer l'économie, le principe élémentaire de la logographie : un mot pour un signe, est battu en brèche. Un autre principe est introduit dans le système : la composition des signes. Des signes existants avec une valeur propre de logogramme sont utilisés dans une autre valeur, phonographique parfois, déterminante d'autres fois. Cette technique permet de constituer de nombreux nouveaux signes sans créer pour autant de nouveaux caractères. Les signes simples coexistent donc avec des signes complexes : agrégats logiques ou agrégats phonético-sémantique.
Les agrégats logiques agglutinent deux signes simples. Ainsi dans l'écriture cunéiforme, le signe pour "pleurer" provient de la composition de signes simples transcrivant "oeil" et "eau", le signe "oeil" s'incluant à l'intérieur du signe "eau". La composition graphique est le reflet de la composition sémantique pleurer = oeil + eau. Le signe n'est cependant pas nécessairement l'addition des deux signifiants* phoniques. Le principe d'économie est à l'oeuvre. Pour représenter un signifié nouveau qui en inclut deux autres un nouveau signe est créé en reprenant les signifiants existants. Avec deux signifiants graphiques on parvient à exprimer trois signifiés. Il y a subversion partielle de la convention de transcription initiale. Un signe vaut toujours pour un mot, mais deux signes composés valent pour un autre. Le système perd de sa pureté de principe, il devient une écriture mixte où sont juxtaposés plusieurs principes de transcription.
D'après Chignier et ali., Les systèmes d'écriture, page 96 et 133, CRDP de Dijon, 1990
L'exemple tiré du Chinois est plus significatif encore puisque, avec le signe arbre, on parvient à exprimer trois notions : "arbre", "bois" et "forêt". La composition de signes a pris une place importante dans l'écriture chinoise moderne. Elle se compose en fait de trois types de signes : les signes à forme simple, les signes composés sans élément phonique, et les signes composés avec élément phonique.
Les formes composées sans élément phonique juxtaposent deux éléments dont la combinaison des signifiés renvoient à un troisième comme pour l'écriture cunéiforme. Ce sont des agrégats logiques. L'écriture chinoise met ainsi en oeuvre plus de deux cents clés sémantiques autorisant un grand nombre de compositions qui réduisent considérablement le nombre de signes à mémoriser.
D'après Chignier et ali.- Les systèmes d'écriture - Page 133
Enfin les formes composées avec élément phonique présentent deux signes accolés : l'un renvoie au sens et l'autre renvoie à la prononciation. Il y a donc une clé sémantique non prononcée et une clé phonique qui permet la prononciation.
D'après Chignier et Ali. Page 135
Le lecteur attentif aura remarqué que ces quatre signes ne sont pas de vrais homophones puisque le ton (l’accent sur le a) de chacun d'entre eux diffère. En effet, le chinois est une langue à ton. Le ton est significatif car il permet de distinguer deux unités lexicales par ailleurs homophones. Sur le plan graphique il existe deux signes pour transcrire "ma". Il y a donc distinction graphique des homophones. Le signe "ma" “cheval” est utilisé comme clé phonétique. Des clés sémantiques purement visuelles lui sont adjointes. Il convient de remarquer l'analogie avec l'écriture française où des homophones se distinguent à l'écrit par l'ajout d'une marque non prononcée ou par la différenciation graphique de l'un à l'autre : "pin" et "pain" par exemple. On perçoit ici tout l'intérêt que peut avoir une approche grammatologique () en classe. Le contact avec d'autres écritures est tout à la fois un apport culturel considérable et une occasion de construire des savoirs linguistiques.
Les écritures logographiques offrent de nombreux exemples d'évolution d'un système d'écriture de mots vers un système mixte où s'intègrent phonographie* et visuographie*. Mais comme l'écriture chinoise, un système logographique peut ainsi perdurer. La remarquable adaptation de cette écriture aux langues qu'elle transcrit lui a permis de subsister jusqu'à nos jours. Mais l'écriture a ceci de particulier qu'elle circule d'un peuple à l'autre d'une culture à l'autre. Les emprunts sont nombreux d'un culture à l'autre et l'évolution d'une écriture passe souvent par ces emprunts.
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