Orthographe grammaticale

Accord et désaccord : l'orthographe grammaticale

Préalable

Les compétences relatives à l’orthographe grammaticale ne se définissent qu’au travers de compétences grammaticales. Cela signifie pratiquement que la maitrise de marques orthographiques grammaticales ne peut être acquise sans que soient acquises les notions sous jacentes à ces marques. L’apprentissage de l’orthographe grammaticale ne remplace donc pas l’apprentissage de la grammaire même si, en rendant visible les relations entre les composantes de la phrase, il peut y contribuer modestement.

Les contenus grammaticaux et orthographiques

Ce domaine de compétence concerne principalement les accords, ce qui implique :

- le maniement et l'identification des faits de langue auxquels correspond une règle d'accord (l'important étant d'abord la pratique correcte que la formulation de la règle peut contribuer à éclairer) ;

- la connaissance des marques par lesquelles l'accord se manifeste ;

- la maitrise des structures syntaxiques où s'applique la règle considérée.

Ainsi, il est des cas où la pratique correcte d'une règle, doit être acquise lorsqu'il s'agit de structures simples, mais peut n'être encore qu'en cours d'acquisition à propos de structures plus complexes.


Programme raisonnable d’acquisition en orthographe grammaticale


Acquis

En Cours d’acquisition


L’accord du verbe

La règle générale d’accord en nombre et en personne avec le sujet et sa pratique dans des constructions simples.

Accord en cas de sujet inversé ou éloigné du verbe, sujets multiples d’un même verbe.


Le pluriel des noms

Rôle du S et du X et transformation al/aux.

Particularités (Cas des noms en ou par exemple)


Le féminin des noms

Notions générales et rôle du E.

Particularités (Cas des doublements de consonnes par exemple)

Deux entrées pour chaque notion

En orthographe grammaticale comme pour le reste du code, deux possibilités s’offrent à l’enseignant. La première consiste à s’interroger sur la fonction des lettres : il s’agit d’une entrée orthographique. La seconde s’intéresse d’abord au sens de l’énoncé puis dans un second temps à sa forme graphique : c’est une entrée qui privilégie la grammaire. Aucune des deux n’est la meilleure. Le va et vient de l’une à l’autre met en relation l’aspect sémantique et l’aspect graphique de la phrase ou de ses composants. Chacune pourtant à son intérêt propre. L’entrée graphique présente l’avantage de s’intéresser avec les enfants à un aspect concret de la langue, tandis que l’entrée grammaticale s’intéresse à des structures abstraites. Compte tenu de l’age des élèves de cycle III, il est tentant de démarrer une étude linguistique avec des phénomènes les plus concrets possibles, c’est à dire d’entrer dans la grammaire au moyen de l’orthographe grammaticale. Cette voie est possible, cependant, le risque de perdre de vue l’objectif grammatical est réel. Il convient alors d’être vigilant et de parcourir le chemin du phénomène orthographique jusqu’à la structure grammaticale abstraite. Plus facile, est de poser l’acquistion grammaticale en préalable de l’étude orthographique. Ainsi, on place symboliquement la marque orthographique en dépendance de la notion grammaticale qui la contraint. Mais répétons le, les deux voies sont valables même si l’une est plus aisée à parcourir que l’autre et nous proposons donc quelques situations qui font travailler les différentes notions d’orthographe grammaticale. La conjugaison fait l’objet d’un traitement spécifique (i).

La catégorie du nombre

La catégorie du nombre est une notion facilement maitrisée par tous les enfants. Son expression linguistique qui se décompose en une opposition singulier / pluriel est en fait un peu plus complexe. Les subtilités qu’apportent certains adverbes (beaucoup, trop) ou certains déterminants (tout, tous) brouillent un peu la notion. En effet, certaines réalités plurielles (“ tout le monde ”) s’expriment par des singuliers. En dehors de quelques cas intéressants mais qui relèvent de la grammaire la notion ne présentent pas de difficulté.

L’étude des marques de la catégorie du nombre pose le problème de l’accord entre les composants syntaxiques de la phrase. Cela implique deux secteurs d’étude : le groupe nominal et le rapport sujet-verbe. La logique veut que l’on commence par une étude du groupe  nominal puisque c’est le groupe sujet qui va contraindre le nombre dans le verbe.

Orthographiquement parlant, le nombre c’est la lettre S associée à l’idée de pluralité (plusieurs). L’entrée graphémique est évidente : le nombre apparaitra dès lors que l’on s’intéressera à la lettre S. C’est donc par l’étude des fonctions de la lettre S qu’on fera émerger le problème du marquage graphique du nombre. Il semble préférable de réserver cette entrée pour la fin de la séquence d’apprentissage et de lui préférer au début une approche par les marques orales.

Les marques orales du nombre

Les marques orales et explicites du nombre sont de quatre sortes :

- un déterminant (le/les),

- une marque lexicale spécifique (un oeil/des yeux),

- un indice sémantique (deux, trois, quatre, quelques ...),

- un suffixe spécialisé (cheval/chevaux),

auxquels on peut ajouter la liaison dans certains cas (mes amis).


Avant d’étudier les marques graphiques, des séances de lecture et de grammaire doivent être consacrées au repérage de ces marques orales du nombre. L’observation des exemples proposés ci-dessus montre que les marques orales  permettent de poser tous les problèmes d’orthographe en relation avec la catégorie du nombre : les lettres S et X, l’alternance al/aux, et parfois l’absence de marque graphique (quatre).

Les marques écrites du nombre

Les marques écrites du nombre apparaissent en redondance avec les marques orales. Les cas où les marques orales n’existent pas sont rares.

L'étude des marques écrites posent deux problématiques : la connaissance des différentes marques et l'acquisition d'une procédure de choix de la marque.

Les différentes marques sont étudiées lors de l'exploration de la fonction des lettres (ii). Voici un exemple d’étude de la lettre S qui se réalise fort bien aussi au moyen d’un texte.

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La lettre S  est souvent une lettre muette qui dit beaucoup de choses!


pas - les voitures - trois - le temps - nous - de grands enfants - un obus - bas - ils mangent - deux avions - vous avez  - plusieurs - nos - mes chaussures - tes - une souris - seize - gras - je vais -  tu prends - deux bonbons - mais - j'avais - toutes - gros - las

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En écriture, le travail orthographique commence après l’identification d’un cas de pluriel. La seconde étape consiste en un repérage des mots affectés, la troisième dans le choix des marques adéquates. L’identification du cas pluriel passe par le repérage des marques orales. Le travail orthographique doit consister à repérer dans les textes les marques graphiques et à les organiser en un système cohérent. La synthèse de l’étude se présente sous forme d’un arbre logique de décision (voir le document ci-dessous) qui envisage l’ensemble des cas possibles. La construction collective de cet arbre se réalise soit sur un temps court consacré à l’étude spécifiques des marques et cela implique que l’entrée dans l’étude soit notionnelle (j’étudie le pluriel ...), soit sur un temps long consacré à l’étude des lettres concernées (X,S,Z), l’entrée est alors graphique (j’étudie la lettre ...). La problématique du nombre de l’adjectif répond aux mêmes exigences graphiques que pour le nom.

Si l'entrée est notionnelle (le pluriel), les observations amèneront la classe vers une synthèse tournée vers l'écritures des marques :



La synthèse qui est réalisée s’exploite de deux manières. Tout d’abord elle est un référent, un guide de choix lors de l’écriture ou de la relecture de l’expression écrite ou des dictées. Pour cela les élèves doivent en maitriser l’usage assez facilement. Cette synthèse est un aide mémoire dont les listes d’exemples peuvent être complétées au fil du temps. Mais son utilisation aisée impose parfois que l’on y consacre un temps d’exercice. Le plus évident est la mise au pluriel de textes au singulier. La réécriture d’un petit récit où le héros singulier devient pluriel suffit à mettre en œuvre la synthèse. De même des exercices structuraux de passage singulier-pluriel limités à des groupes nominaux aident à l’utilisation. Enfin quelques dictées à trou (iii) proposant des marques de pluriel variées complètent l’arsenal.

L’étude des marques du nombre ne se limite pas au groupe nominal. Le verbe aussi est concerné. Les aspects particuliers de la désinence verbale sont traités en conjugaison. Le principe de l’accord et la marque générique du pluriel (-NT) doivent être acquis avant les séances de conjugaison. Les verbes du premier groupe (en -ER) présentent l’inconvénient majeur d’avoir des formes homophones entre le singulier et le pluriel (il mange / ils mangent). Ils ne sont donc pas les plus judicieux pour commencer l’étude qui débute par les marques explicites orales. Les alternances orales (il fait / ils font...) font repérer la variation. La structuration du champ de variation intéresse la conjugaison. L’utilisation des pronoms de troisième personne est déconseillée du fait de leur homophonie. Le choix de groupes nominaux où figurent des marques orales est bien plus pertinent car il montre la relation sujet-verbe de manière plus évidente.

De nombreux jeux d’écriture grammaticale aident à mettre en évidence la relation sujet-verbe et donc la contrainte qui pèse sur les marques orthographiques. La transformation de la forme canonique “ sujet-verbe-complément ” oblige le scripteur à prendre en compte la contrainte d’accord.

               Le chat mange.                 Les chats mangent.


Mais ce cas simple ne saurait suffire à faire évoluer l’expertise des enfants. Même si la maitrise de formes plus complexes n’est pas exigée, rien n’interdit de les utiliser dans des situations problèmes. Ainsi la place du sujet ou sa forme doivent faire prendre conscience du problème aux enfants. Les quelques cas d’étude à proposer sont listés ci-dessous. On peut en déduire des exercices d’écriture tout à fait intéressant en contraignant la forme de la phrase.

Quelques exemples :

Inversion du sujet :

“ Sous la lune mangent les chats. ”

Eloignement du sujet :

“ Les chats du boulanger mangent. ”

       “ Le chat des voisins mange.”

       “ Les chats du boulanger qui habite Paris mangent. ”

Sujet multiple :

“ Pierre, Sophie et Marie se promènent. ”

Verbes multiples :

“ Les chevaux marchent, trottent et galopent. ”

Sujet pronom relatif :

“ Les chats qui mangent ça sont gourmands.”

Confusion pluralité/pluriel :

       “ Tout le monde mange.”

Genre(iv)

L’étude orthographique du genre s’appuie d’un coté sur l’orthographe lexicale de l’autre sur la lettre E, marque générique du genre (v).

Les marques du genre se répartissent en trois ensembles  qu’on définit comme pour le nombre en fonction de la relation oral / écrit :



L’acquisition orthographique concerne surtout l’ensemble ou seule existe la variation écrite. Les autres ensembles sont donc mis à profit pour asseoir l’acquisition de la catégorie. L’étude débutera donc comme pour le nombre par la structuration du champ où existe une variation orale.

La progression doit procéder par tris successifs et sur plusieurs séances. Le premier tri conduit à faire émerger les quatre ensembles ci-dessus. Si le corpus utilisé provient de textes (les marques du genre n’y sont pas légion) il se peut que toutes les catégories ne soient pas représentées. Le cas le plus fréquent est celui où la variation orale n’existe pas, le corpus le fera donc nécessairement apparaitre.

Une fois triées les différentes formes de variation orale, il convient d’affiner le classement.

Dans les cas où variation orale et écrite sont présentes, le classement s’effectue en observant la forme au masculin et la forme au féminin. Il semble prudent, compte tenu de la complexité des transformations de s’intéresser d’abord au féminin puis d’observer le masculin. Des règles peuvent être formulées (vi):


Grande – grand : le E disparait, le D n’est plus prononcé.

Actif – active : Le E disparait, le V se transforme en F


Cette approche par le féminin permet de mettre en évidence des analogies de fonctionnement (comme dans “ petite ” et “ grande ”). Peu à peu le champ se structurera. Il apparait que trois lettres finales non prononcées au masculin reviennent régulièrement : S,D et T. On retrouve là un pont avec les activités phonographiques.

Lorsque le genre ne se reconnait qu’à l’écrit deux cas sont à étudier :

Il ne saurait être question que les élèves maitrisent toutes ces subtilités à la fin du cycle. L’objectif est de mener une observation de la variation en genre. La maitrise des marques simples (adjonction d’un E, et de la variation orale) est suffisante en fin de cycle.

Copyright © Jean Pierre Sautot  CRDP de Grenoble - Toute reproduction interdite !

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i Voir le chapitre “ Conjugaison ”

ii Voir le chapitre “ Phonographie ”

iii Le texte est donné, excepté les mots qui portent la difficulté travaillée. Ceux-ci sont à inscrire dans des trous laissés à cet effet.

iv Cette partie doit beaucoup à l’ouvrage de M. Gey : Didactique de l’orthographe, Nathan 1987.

v Voir le chapitre “ Phonographie ”

vi Ces règles ne valent que pour les exemples qui ont permis de les formuler. Leur généralisation est hasardeuse mais leur verbalisation est très intéressante pour l’acquisition orthographique.