Intérêts et limites
Le principal intérêt de la description de N. Catach est d'observer l'orthographe dans le sens oral-écrit. Ce sens est celui de l'écriture ordinaire, de la dictée aussi. C'est donc un outil intéressant pour l'enseignant car il permet la programmation des différentes difficultés. Elle permet en outre le développement de typologies d'erreurs qui sont d'une grande richesse pédagogique. Enfin, la méthode utilisée par Catach est transposable à la classe. En effet cette théorie est fondée sur l'observation du matériau graphique. On peut donc imaginer une recherche empirique menée par les enfants sur les divers domaines de l'orthographe débouchant sur la rédaction d'un traité pratique à l'usage des élèves.
Par ailleurs la valeur zéro (les lettres muettes) reçoivent une explication. La théorie de B.-Benveniste et Chervel en rend compte aussi mais pas au travers des valeurs phoniques. En revanche, la théorie de Catach tente d'éclaircir cette problématique. Nous ne pouvons qu'inviter les enseignants désireux d'approfondir la question orthographique à faire l'acquisition du Traité théorique de Catach. C'est une réelle référence descriptive de l'orthographe ainsi qu'une source d'exercices assez bien conçus mais qui doivent être adaptés à l'école.
Les critères descriptifs utilisés par Catach ne sont pas transposables tels quels à la classe. La notion de fréquence est intéressante pour la programmation de l'enseignement, mais n'est pas pertinente pour l'élève. On peut faire le constat d'une certaine fréquence pour des graphèmes donnés, mais la portée cognitive est très limitée. Le critère de productivité/rentabilité est en revanche plus pertinent car il rattache le graphème à des séries analogiques grammaticales ou lexicales. Cette mise en réseau est indispensable à l'acquisition du système. Les élèves les plus en difficulté font le constat que telle lettre est présente mais ne sont pas capables de la mettre en relation avec une famille morphologique. La description de Catach tente cette mise en réseau que la pédagogie de l'orthographe doit favoriser.
Enfin le rapport à l'oral est un domaine trop négligé dans l'orthographe. Outre le travail indispensable sur les phonogrammes; l'oralité est négligée dans l'apprentissage de l'orthographe. Les indices orthographiques entrent fréquemment en redondance avec des indices oraux, notamment dans les phénomènes d'accord et de conjugaison. Il est toujours intéressant de faire précéder l'analyse graphique d'une analyse orale. Dans ses analyses Catach fait systématiquement apparaitre les marques orales auprès des marques écrites. Ce rapprochement doit aussi être fait en classe.
Le danger de la caricature existe cependant avec cette théorie. Elle n'est pas transposable en l'état. Elle donne à l'enseignant une vue d'ensemble du système. Cette vue n'est cependant pas celle de l'enfant dont la compétence est encore en construction au cycle III. S'il a déjà perçu la nature du système alphabétique, il ne maitrise pas les subtilités du système orthographique. L'équipe enseignante doit bien se garder d'une programmation qui calquerait la théorie. Une approche globale progressive et spiralaire amène les enfants à une découverte du système dans sa complexité mais aussi dans ses régularités. Une programmation trop rigide qui s'inspirerait de la théorie reproduirait fatalement les errements qu'a déjà connu la pédagogie de l'orthographe.
Conclusion
Les théories présentées ici ne sont pas de nouveaux dogmes à appliquer à l'enseignement de l'orthographe. Rappelons la nécessaire distinction qu'il y a lieu de faire entre les diverses sous-disciplines qui constituent le français en tant que matière d'enseignement. Vocabulaire et grammaire ont par trop été sacrifiées à l'orthographe. L'objectif d'une séance de grammaire est de faire acquérir les structures fondamentales de la phrase, celui d'une séance de vocabulaire de structurer le lexique. L'orthographe est la trace écrite de ces structures. Etudier l'orthographe revient donc à s'intéresser à la conséquence graphique des structures grammaticales, phoniques ou lexicales de la langue française. L'orthographe se borne à en étudier les traces graphiques. Les descriptions théoriques rendent compte de ces traces avec plus ou moins de pertinence, de précision. Hormis dans le domaine phonographique où elle est première, l'orthographe apparait seconde et particulièrement dans l'étude délicate des morphogrammes. Hors le sens ces signes ne sont pas construits. L'élève se trouve face à des graphies arbitraires que rien ne justifie. Si les marques orales justifient de manière puissante nombre de graphies, le recours au sens doit être premier pour motiver l'écriture. En effet, et l'école l'oublie trop souvent, l'écriture est un moyen d'expression de la pensée au même titre que la parole. L'orthographe est un outil de cette expression, il convient donc de restituer à l'une et l'autre sa juste place : la substance sémantique contraint la substance graphique et non l'inverse.
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