Les deux visages du signe orthographique

Les signes écrits dont est constituée l'orthographe française présentent deux aspects distincts mais indissociables. L'aspect matériel de ces signes sont les lettres. Les lettres sont l'interface sensible. C'est par elles que nous percevons les signes linguistiques que nos interlocuteurs absents nous adressent. La difficulté à apprendre l'orthographe réside dans le fait que, d'une part, lettres et phonèmes ne sont pas dans une relation univoque et que, d'autre part, toute lettre ne renvoie pas à un phonème. De plus, chaque lettre peut avoir plusieurs fonctions. Si cela est évident pour un adulte ayant mené ses apprentissages de manière à peu près satisfaisante, cela ne l'est nullement pour un débutant.

La notion de graphème permet de définir les différentes fonctions d'une même lettre. Le graphème est en fait une notion abstraite qui permet de relier la lettre à une fonction précise. Le graphème, c'est la lettre (ou le groupe de lettres) et sa fonction. Par exemple dans le mot "saisissons", la lettre S écrite cinq fois occupe des fonctions différentes : transcription du phonème [s] ou du phonème [z], marque de pluriel. Les fonctions graphémiques des lettres représentent donc les connaissances à acquérir en orthographe. Les règles d'orthographe que l'on trouve dans de nombreux manuels ne sont que l'expression de ces fonctions dans des contextes particuliers. Si l'on recense toutes ces règles, il faut en retenir plusieurs milliers. Fort heureusement nombre d'entre elles sont acquises de manière quasi automatique. Il n'en reste pas moins qu'il est plus efficient d'étudier les fonctions graphémiques que d'étudier tous les contextes possibles d'apparition.

L'étude des graphèmes constitue la voie d'accès à un savoir de nature scientifique sur l'orthographe. Cest le contenu de l'enseignement de l'orthographe, la maitrise des principales fonctions étant instituée en objectif de l'apprentissage. Cependant, il nous faut dès à présent mettre en garde l'enseignant sur de possibles dérives d'un tel enseignement. Il n'est nullement question de substituer des cours de graphématique aux leçons traditionnelles construites autour de règles normatives. L'intérêt d'un enseignement fondée sur les fonctions des graphèmes réside dans un traitement empirique de la substance graphique par les enfants, c'est-à-dire à découvrir le fonctionnement du système orthographique au travers d'activités structurantes. Le fondement d'une démarche empirique réside dans la verbalisation par les élèves des notions abstraites qu'ils redécouvrent eux-mêmes dans un processus plus ou moins guidé. Dans cette perspective, les notions évoquées dans cette partie à propos du graphème ou ci-dessous dans les descriptions théoriques ne constituent pas des objectifs opérationnels d'apprentissage. La terminologie spécialisée, notamment, n'a pas à être enseignée. La transposition didactique de ces notions posent de réels problèmes et il nous semble plus efficace de laisser les élèves reconstruire ces notions, plutôt que de tenter de les leur inculquer de manière descendante, du maitre vers l'élève. C'est pourquoi les deux descriptions théoriques que nous choisissons de présenter ici ne doivent être qu'un éclairage pour l'enseignant et pas un dogme à asséner à l'élève. Elles présentent deux accès à la substance orthographique. L'une aborde le problème orthographique dans le sens de la lecture : des lettres vers les sons. L'autre l'aborde en sens inverse : des sons vers les lettres.

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