Le rapport à l'orthographe

La représentation est une forme d'image mentale que l'apprenant se construit du système. Cette représentation est faite tout à la fois de connaissances objectives, et de croyances personnelles. Construire une compétence efficace dans un domaine exige que la représentation mentale de l'objet soit saine, c'est-à-dire qu'elle ne soit pas parasitée par une forme de superstition. La représentation de l'orthographe doit donc être construite en classe sur des fondements objectifs, scientifiques même. Il est nécessaire que l'enseignement-apprentissage du système orthographique insiste sur les aspects objectifs au détriment des aspects subjectifs de l'orthographe (). Qu'est-ce qui fonde une telle opinion ?

Tout d'abord le fait que les croyances les plus partagées à propos de l'orthographe ne sont pas fondées. En effet, la performance orthographique d'un individu n'est pas proportionnelle à son intelligence. Des expérimentations ont été menées, qui montrent que lorsque la tâche d'écriture à accomplir devient plus complexe, les performances orthographiques du scripteur décroissent. Plus on a de choses à faire, plus on fait d'erreurs ! Quel que soit le niveau de l'individu, on peut donc parvenir à lui faire commettre des erreurs. La différence réside donc dans la capacité à trouver ses propres erreurs a posteriori et c'est alors la compétence technique du sujet qui doit être mise en œuvre. Les évaluations fondées sur le courage, l'intelligence ou la rectitude morale de l'apprenant sont totalement dénuées d'intérêt. Il convient donc de lutter avec force contre les idées reçues qui se propagent à propos de lorthographe dans l'entourage de l'apprenant. La famille certes peut être considérée comme un vecteur de ces idées, mais le système scolaire porte aussi une large responsabilité dans ce domaine, notamment à cause de modes d'évaluation largement inadaptés où les notions de travail, d'effort, de capacités intellectuelles sont trop souvent jugées comme des capacités inhérentes à l'individu alors qu'il revient à l'école de les stimuler par des situations pédagogiques adaptées.

Et c'est bien parce que l'école tend à reproduire les discours socialement dominants que persiste le problème de l'apprentissage de l'orthographe. Or dans le domaine de l'orthographe le discours dominant, on l'a vu précédemment, n'a aucun fondement objectif. Dans ce domaine au moins, il nous semble indispensable que l'école joue un rôle novateur et parvienne à modifier la représentation dominante. La tâche peut sembler ardue mais l'enjeu est d'importance. En effet, l'école qui se targue aujourd'hui de former les citoyens de demain ne peut atteindre ses objectifs sans que soient offerts aux dits citoyens les moyens qui leur sont dus pour assumer leur rôle dans la société. S'il ne faut cependant pas croire ou espérer en une révolution orthographique, l'objectivation du rôle et du statut de l'orthographe contribue modestement à former le citoyen de demain. Nous ne songeons pas à faire acquérir une quelconque rectitude morale par le respect des règles d'écriture. Mais entretenir un rapport sain à l'écriture d'où disparait la stigmatisation des comportements variants et la culpabilité ne peut que contribuer à épanouir l'individu, ce que ne réalise certes pas l'enseignement traditionnel de l'orthographe, du moins pour ceux dont l'apprentissage se révèle être un échec.

Pour montrer l'importance d'un travail sur le rapport à l'orthographe, nous allons montrer l'intérêt ou l'inconvénient que constituent les divers types de rapport à l'orthographe puis tenter de discerner comment ces rapports se construisent.


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