Aspect sociologique
La compétence orthographique d'un individu peut s'évaluer à l'aune de son respect du code lors de la rédaction d'un texte. Or l'orthographe sert aussi (hélas !) à évaluer l'individu sur bien d'autres plans. Les autres niveaux d'évaluation sont beaucoup moins objectifs que le simple respect du code. Ils se fondent essentiellement sur un rapport à l'orthographe que partage une immense majorité de la population. En effet, des valeurs de prestige sont attribuées à l'orthographe. Elles lui font jouer un rôle qu'on peut considérer comme indu mais qui (hélas à nouveau !) est bien effectif. Ne pas bien orthographier c'est ne pas être un bon citoyen (). Cette opinion diffusée par un grand quotidien national résume correctement les nombreux stéréotypes dont l'orthographe est l'objet. Par accumulation de telles représentations sociales plus ou moins fondées, il s'est forgé un mythe autour de l'orthographe. Cette aura mythique apparait dans les discours recueillis de ses usagers. L'orthographe fait figure de quasi religion nationale, la dictée est sa messe, le corps enseignant est son clergé.. ().
On l'a compris, l'orthographe est un enjeu social. De sa maitrise dépend en partie la réussite aux examens, éventuellement l'embauche dans une entreprise... Et mal écrire c'est, à coup sûr, s'exposer au jugement négatif d'autrui. Comme les autres aspects du langage, l'orthographe est l'outil d'enjeux stratégiques dans la société française. Pour occuper une position favorable, il faut maitriser le langage, et notamment le langage écrit. Dès que certains jugements portés sur la personne passe par une évaluation de son orthographe, celle-ci devient un instrument de domination symbolique.
Un certain prestige s'attache à l'écrit. Lire, écrire sont des activités fréquemment liées dans les discours sur l'écriture à la réussite sociale. Certaines professions, certains postes dits importants sont occupés par des personnes maitrisant l'écrit. Un ouvrier n'a pas besoin, dans sa pratique professionnelle d'une maitrise de l'écrit aussi poussée qu'un juriste. Sur de tels stéréotypes, s'est constituée une représentation sociale dans laquelle maitrise de l'écrit rime avec réussite et intelligence. L'intelligence ne se mesure certes pas grâce à l'orthographe mais acquérir une bonne maitrise de l'écrit est une garantie de réussite. Cela est partiellement vrai. Les examens et concours sont toujours passés pour l'essentiel à l'écrit et les emplois proposés se demandent d'abord par écrit. La maitrise de cet outil se révèle donc indispensable. L'écrit possède en dehors de l'orthographe ses propres règles de fonctionnement. La syntaxe est spécifique, les textes ont des modes d'organisation internes particuliers et la présentation est régie par certains canons. Bien que ces règles constituent déjà un carcan sévère pour le scripteur, l'orthographe vient s'y surajouter et un texte parfaitement bien rédigé mais doté d'une orthographe déplorable sera très mal considéré et son auteur sera victime d'une évaluation discriminatoire. Ainsi, en cristallisant les valeurs de prestige liées à l'écrit, l'orthographe est érigée en surnorme et prend une importance démesurée vis-à-vis de son rôle objectif.
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